4.28.2009

The Last Testament - Making of London Calling


« Le secret des Clash en tant que groupe réside dans leur capacité à jouer au sommet de leur art »


Après le succès de leur tournée américaine, ils se retrouvent à Londres sans manager. Ils savent que la situation est plutôt mauvaise et veulent montrer de quoi ils sont capables. Johnny Green, leur roadie de l’époque, leur trouve un petit studio isolé qui ressemble surtout à une vieille grange pourrave mais où règne une pure tranquillité. Ils ont besoin de cette solitude pour retrouver leur intimité en tant que groupe et travailler plus intensément. Ils répètent donc sans relâche, composent sans arrêt et se détendent avec quelques parties de foot violentes. Même si Simonon fiche la trouille dès qu’il est en possession du ballon et fout des coups de pieds à tout le monde. Leur sentiment d’unité est renforcé, ils peuvent donc se remettrent à jouer dans une ambiance totalement détendue.

Ils expérimentent des mélodies, improvisent des paroles, maintenant libres de jouer ce qu’ils veulent, sans aucune contrainte. Ils reprennent The Man in Me de Dylan, des chansons de Bo Diddley, etc. Ils jouent au pif pour s’entraîner sur ce qui va devenir le meilleur album du monde (rien que ça). Enfin, ils se rendent aux Wessex Studios et choisissent délibérément le farfelu producteur Guy Stevens, ce qui inquiète le reste de l’équipe, vu la réputation du bonhomme, qui est surtout connu pour furieusement tout saccager sur son passage. Et heureusement, car il y sera pour beaucoup dans le succès de London Calling.

L’objectif était simple pour Stevens. Donner un coté spontané aux chansons et faire passer le plus d’émotions possibles. Il voulait à tout prix ôter la pression des musiciens, les libérer du stress et les laisser jouer à l’instinct. Comme ce jour où Joe s’entraînait au piano, imperturbable, tandis que Stevens lui crachait à l’oreille « Jerry Lee Lewis, Jerry Lee Lewis ! » et lui versait son vin sur les mains, pour « améliorer le son ». Il voulait également les rendre plus vigilants et concentrés, indifférents à ce qu’il se passe autour d’eux. Comment ? En sautillant pendant qu’ils jouent, en balançant des chaises, des échelles, en attaquant l’ingénieur du son pendant que ce dernier mixe manuellement et repousse l’animal de l’autre. Et bizarrement, ça marche. Simonon, qui préfère qu’on lui envoie des objets plutôt qu’on lui dise 100 fois « refais le », travaille de mieux en mieux sa technique, et Topper Headon, d’habitude trop nerveux et agressif, est de plus en plus serein car il peut jouer n’importe quoi et y aller au feeling. Grosse absence de marketing aussi pour nos 4 gaillards, qui préféraient essayer toutes sortes de fringues et de styles, sans trop faire attention, passant avec aisance de l’allure années 30 au genre militarisme provoc.

Pendant ce temps, Joe compose Lost in the Supermarket, inspiré par ce qu’il imagine être la jeunesse de Mick, et Simonon fredonne des chansons reggae racontant des faits divers jamaïcain. Il travaillait depuis un moment la future et fabuleuse Guns of Brixton, et Joe lui demandera de la chanter. Ce dernier a d’ailleurs déclaré que cette pratique de l’actualité chantée dans le reggae leur avait clairement montré le chemin de la révolution. The Clash ne se considèrent maintenant plus comme une bande de potes, mais comme un groupe à part entière et élargissent nettement leurs influences musicales, ne se cantonnant plus à uniquement du punk sauvage. Car le punk commencait à avoir ses limites, dans son avenir et dans ses idées. Strummer déclare qu’il y avait même une police du punk, « tu peux pas faire ça, c’est pas du punk », alors que pour eux ce mouvement signifiait la liberté, ils voulaient tout faire, tout essayer.

Le résultat de tout ça est London Calling, le meilleur album de l’histoire du rock, parfait, unique, incroyable et dédié entièrement à leur public. Pour ne rien gâcher, la pochette est cultissime, avec un clin d’œil à Elvis pour l’écriture rose et verte. The Clash jouaient au Palladium à New York, il y avait beaucoup de tension, c’était presque la fin du concert et Simonon était loin d’être satisfait, le public était assis alors qu’ils insistaient toujours pour le contraire, il y avait une énorme sensation de vide devant eux et il a cogné la tête de sa basse sur le sol comme un vrai furieux. Pennie Smith, leur photographe de toujours, a réussi à prendre le cliché de justesse. Après coup, Simonon déclare en rigolant qu’il aurait mieux fait de détruire la moins bonne de ses basses au lieu de sa Fender blanche préférée. Tu m’étonnes.
Par ailleurs, London Calling devait s’appeler The Last Testament, qui signifiait le dernier véritable album de rock’n’roll. Mais London Calling, c’est tout aussi bien, non ?

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